Au pays des Frahans
AU PAYS DES FRAHANS
Les khègnes, les frahans et les bouscolins, comme on les nommait autrefois, dans leur argot professionnel, furent les maçons, les tailleurs de pierre et les charpentiers itinérants de Samoëns.
Ces constructeurs ont évolué dans un monde passé, celui d’avant l’essor du tourisme alpin, quand la vie rurale, les labours, les troupeaux, l’herbe et le fromage suffisaient à peine à la survie des familles. L’usage était que que les hommes s’expatrient plusieurs mois de l’année pour aller chercher du travail au dehors. En fonction des vallées d’origine, ces migrants saisonniers pouvaient avoir des spécialisations professionnelles : dans telle vallée on était bûcheron, dans telle autre on était colporteur, dans telle autre encore on grainetier, et à Samoëns on était constructeur.
Depuis une époque ancienne, les hommes du secteur s’étaient fait une spécialité du travail de la charpente. A partir du seizième siècle, au gré des rencontres et des opportunités, leur savoir-faire s’est enrichi de l’art de maçonner et de tailler la pierre. Les hommes du pays ont commencé à porter leur truelle et leurs ciseaux à pierre sur des chantiers quelquefois éloignés de la Savoie : Piémont, Suisse, Franche-Comté, Dauphiné…
Comme bien des habitants du monde alpin, le Septimontain était à tout à son aise sur la route, en voyage, en séjour dans des territoires de culture différente, quelquefois de langue étrangère.
Ainsi au pays des Sept Monts, toute une économie spécialisée dans la construction a pu aussi se développer. Il y avait des maîtres maçons, ses conducteurs de chantiers, des ouvriers, des manœuvres. Si le Septimontain avait la réputation opportune de bien se tenir en terre d’accueil, il brillait aussi aussi par son opiniâtreté et la qualité de ses réalisations : édifices civils ou religieux, lourds chantiers d’extraction de pierre, fortifications, travaux publics… Les Frahans, dans leur trajectoire, ont pu se confronter à des défis d’envergure, gagner l’estime de très grands personnages : Vauban, Voltaire, Choiseul, Napoléon Bonaparte…
A Samoëns et dans les environs, l’exploitation des gisements de pierre calcaire, le savoir-faire et l’esprit d’émulation ont permis aux constructeurs de bâtir des édifices solides et confortables avec de belles qualités esthétiques.
Certains constructeurs auront même quitté le pays pour aller fonder des dynasties d’entrepreneurs en Tarentaise, en Maurienne, en Saône-et-Loire) Grenoble, Besançon, Gap, Saint-Jean-de-Luz, Rochefort-en-Aunis… et jusqu’en Louisiane.